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Des mots niak'
4 octobre 2012

Souad Belhaddad : journaliste, et formatrice dans l'âme

Intègre. Humaine. Energique. Passionnée. Souad Belhaddad inscrit au tableau les mots supposés la décrire. L'exercice de debriefing, c'est elle qui l'a proposé. Sourire aux lèvres, elle ne peut s'empêcher de faire remarquer que les termes choisis n'ont aucune consistance. N'entretiennent aucun lien avec la réalité de l’instant. Le concret de la situation. «  Vous ne pensez pas que quelqu'un peut jouer un rôle, donner une fausse image de lui, et que demain il sera différent ? » La question est purement rhétorique ; nous nous sommes manifestement faits embobiner. Balader. Le constat est amer: elle a mené l'entretien comme bon lui semblait.

Reste une certitude, Souad est avant tout une formatrice dans l'âme. Et si les questions posées semblent l'agacer fréquemment, elle décrit bien volontiers son métier de reporter d'après guerre, s'estime chanceuse de pouvoir l'exercer : « C'est une pratique fabuleuse, au-delà de ce que je pouvais espérer. Je n’ai pas subi le journalisme » Souâd met les bras en croix, éclate de rire. Elle redevient sérieuse. « J’ai découvert que par un reportage, on pouvait susciter des émotions » Souâd ponctue ses paroles de mouvements du poignet. Cherche à définir son activité au mieux, se gratte la tempe lorsque la réflexion s’intensifie. « C'est une posture, un moyen de bousculer les a priori, de devenir moins intolérant, moins bête. » Un rôle de médiateur, aussi. « Je prends votre parole, je tente de la retranscrire. »

Silence.

Elle s’interroge sur la clarté de ses propos. «  J’espère que ce n’est pas trop abstrait. Pour moi, c’est très concret. »

A ce moment là, elle est encore sincère.

 

Transmission

Le besoin de transmettre à tout prix, dans la presse, en littérature ou sur scène, elle l’explique par ses origines. Algériennes. Par un besoin de pérenniser une mémoire orale. Par une éducation « dans l’humour et la dérision ». Souâd raconte les réunions familiales où cousines et tantes imitaient des personnalités. Johnny. Sylvie Vartan.

Bouche pincée, poitrine en avant, elle reproduit les mimiques qu’elle se souvient avoir singées à l’époque.

Souâd parle beaucoup de sa mère. Jamais de son père. On retiendra seulement qu’il était préfet. Personne n'ose la relancer, elle ne donne pas de détails supplémentaires. Souâd est née à Constantine pendant la guerre d’Algérie, a quitté le bled à 5 ans. Le rôle de son père dans l’histoire de ces « dix années sanglantes », nous ne le connaîtrons pas.

Dans la pièce où elle nous reçoit, des tableaux de la Renaissance sont accrochés au mur. Détail incongru. Provocation ? Les oeuvres semblent faire échos aux propos. Aux non-dits. Quand le XVIe siècle et ses guerres de religion laissent place au XXe siècle et ses guerres coloniales.

On ne saura pas plus pourquoi Souâd n’est pas mère, elle pour qui la transmission relève du dogme. « Je n’ai pas d’enfants personnellement » La réponse tombe comme un couperet. Souâd sourit, se touche les cheveux. Mais son regard reste perçant. Offensif.

 

Double culture

Questionnée sur tout, et sur rien, Souâd répond comme elle l’entend. Mène le tête-à-têtes. Irrésistiblement, elle glisse vers le thème de la double culture. Un thème omniprésent dans son œuvre. « Je ne veux pas faire Cosette, mais imaginez un professeur qui estime que quoi que vous fassiez, vous serez toujours mauvais. Un arabe reste un arabe. Même s’il vient d’une famille aisée, qu’il a l’opportunité de faire des études. » Souâd explique avoir souvent été étiquetée. «  Rares sont les gens qui me voyaient comme une journaliste avant tout. J’étais plus souvent considérée comme une rebeu. » L’appartenance à une minorité, les efforts supplémentaires pour se faire accepter, Souâd les évoque à demi mots, s’efforce de poursuivre sans sourciller. Elle refuse l’idée d’une revanche, insiste sur le fait qu’elle est passée à autre chose, et emploie volontairement l’imparfait. Pourtant. Pourtant, elle refuse de nommer un journal dans lequel une éditrice s’est permise des remarques discriminantes à son égard. «  C’est inutile » annonce-t-elle froidement. Souâd préfère mettre en avant l’universalité de son propos. Son côté visionnaire. Elle aime à raconter que des hommes et des femmes en quête identitaire se sont reconnus dans ses écrits. Elle préfère parler de son combat pour le droit des femmes, de ses convictions de gauche.

Mettre en perspective.

A la fois féministe, algérienne, et française, Souâd Belhaddad a trouvé son identité : journaliste affirmée. Coriace. Sûre d’elle et de ses compétences, elle admet qu’ « avec les autres journalistes, [elle] peux passer pour hautaine. »

 

 

 

 

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