Chaque été depuis 2008, un groupe d'étudiants occupe la colline du château de Nice pour que l'histoire de la ville sorte de l'oubli. Bénévoles, ils sont une catégorie de fouilleurs demandée. Et demandeuse.

« Nous recrutons activement des étudiants (ou pas!) bénévoles désireux de venir découvrir le site de la colline du château. […] Nous acceptons sans problème les bénévoles sans expérience en archéologie. »
Le 23 avril 2012, le site belge archeologie.be postait cet appel du service d'archéologie de la ville de Nice.
Une vingtaine de jeunes y a répondu.

Mardi 17 juillet. 15h. Colline du château.
Au milieu de la horde estivale de touristes, un groupe œuvre dans le calme. Isolé. Moyenne d'âge : 22 ans. Le petit train passe. Les cigales chantent. Quelques notes de Yann Tiersen, étouffées, parviennent aux oreilles.
Eux, fouilleurs bénévoles, échappent à la carte postale. Se réfugient dans un autre temps. Pour leur tranquillité, un panneau a été installé de manière permanente.
« Site archéologique. Accès interdit au public. »
Sous les pieds des fouilleurs, les restes d'une cathédrale médiévale. Leur mission consiste à découvrir les différentes traces d'occupation sur le site. Et à les dissocier.
Tenue d'aventurier : exigée. Chaussures de montagne, short, débardeur. Bob, casquette ou T-shirt noué autour de la tête. Ils sont nombreux à s'être réfugiés à l'ombre, pour fuir le cagnard. Par petits groupes, chacun effectue sa tâche. Jusqu'à 16h30, heure du rangement. Couverts de poussière, les uns piochent, les autres grattent. D'autres encore passent la balayette, dessinent des croquis, classent les découvertes du jour. Transportent des seaux remplis de terre pour les déverser un peu plus loin. Les responsables viennent les voir tout à tour, donnent des conseils. Les voix couvrent le couinement des brouettes, le bruit des outils en contact avec la pierre.
L'odeur de terre humide s'installe.

« On est crevés en fin de journée »
Adrien a 19 ans. En septembre, il commencera une option archéologie à la fac d'Aix en Provence. Le chantier est pour lui un moyen de se faire une idée, dans des conditions optimales : « Nous sommes logés à Nice, et nourris, alors c'est un peu les vacances. Beaucoup viennent ici par passion, nous c'est plutôt le hasard qui nous a menés là. Nous sommes les intrus. » Avec Gabriel, 18 ans, ils sont arrivés il y a deux jours seulement. Ne resteront que deux semaines. « C'est intéressant, mais franchement physique. On est crevés en fin de journée, couverts d'ampoule. Du point de vue de la santé, tu te tues quand tu es archéologue.»
Adrien a intégré l'équipe qui se charge des murs de l'ancien château. « Il y a eu des rajouts selon les périodes, nous devons identifier ces époques. Aujourd'hui, nous avons trouvé un foyer, avec des os d'animaux. La semaine prochaine, nous ferons de l'analyse. Enfin moi, je ne sais pas. Je n'y connais rien.» Gabriel ne sait pas plus ce qu'il fait. Ce qu'il cherche. « On décaisse une alvéole, je crois. Moi, à vrai dire, je suis le préposé aux seaux. »
Les deux amis sont malgré tout satisfaits de l'organisation des fouilles. Le travail qu'ils effectuent n'est pas synonyme de stakhanovisme : « Les chefs de sous-groupes sont souvent des doctorants, prêts à expliquer. À partager. »

Curiosité
Toutes les cinq minutes, un petit groupe de touristes s'appuie sur la rambarde de sécurité. Observe. Puis s'en va. « Pourquoi ils cassent tout ? », s'écrie Aurélien, 3 ans.

Ce type de remarques fait rire Amélie, 23 ans. « Les gens nous demandent fréquemment ce que nous faisons. » Elle relève une question récurrente : « Qu'est ce que vous trouvez ? ». Et quand elle le peut, elle répond , « pour qu'il y ait un échange et que les gens continuent à s'intéresser. » Pour Amélie, ce chantier école est une aubaine. Étudiante en deuxième année de master archéologie à Caen, elle apprécie pouvoir mettre en pratique ses connaissances théoriques. « En licence, participer à un chantier est obligatoire. En master, c'est simplement pour parfaire notre formation. Et visiblement, les responsables sont contents de nous. »
Débutées le 16 juin, les fouilles prennent fin le 27 juillet ; l'heure est au fignolage. « C'est le moment de prendre toutes les photos. Il faut que le terrain soit nickel. Alors aujourd'hui, j'ai surtout fait du nettoyage. »
Parfois, les trouvailles du jour sont étonnamment modernes. « Une copine a sorti une boîte de sardines, laissée par un archéologue il y a quelques années. »
Si les jeunes fouilleurs ne sont pas les premiers à s'installer sur la colline du château, ils ne seront pas non plus les derniers.
Les fouilles pourraient encore durer vingt ans.

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Ces jeunes qui passent l'été dans le passé

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