La Bella gente.

Dans la rubrique "cinéma italien", quel est le comble pour un film (italien) ?

Réponse : ne pas être sorti en Italie, obtenir des récompenses en France.

Telle est la condition de La Bella gente, grand prix du festival d'Annecy 2009. Élégant et dramatique. 

Susanna et Alfredo forment un couple de quinquagénaires moyens. Noble âme, S travaille dans un centre d'aide aux femmes battues. Aussi ne peut-elle supporter la vue d'une jeune prostituée ukrainienne tabassée par son proxénète. Conscience titillée : elle convainc son mari d'enlever la fille pour la libérer de ce joug. Rapidement, l'arrivée de la jeune fille dans la famille devient un prétexte pour traiter du couple, de la déconstruction du portrait initial. Opposé de manière très caricaturale aux voisins de vacances -profondément de droite et hostiles à l'adoption de Nadja-, il montre peu à peu les limites de sa générosité. Sauver la jeune prostituée, oui, mais pour sauver ses propres idéaux.

Dès lors que Nadja, jeune fille maltraitée, se mue en une femme à part entière, dès lors que la reconnaissance paraît s'atténuer, rien ne va plus. Craintes et quiproquos la transforment en persona non grata. Le don-contre don est rompu lorsque N. prend à la mama son bien le plus cher : son fils.

Thème fréquent de la destruction d'un équilibre par un élément extérieur. Malgré les bonnes intentions originelles, malgré la volonté sincère d'aider, le couple n'était pas prêt à cela. Ou plutôt la mère n'était pas prête, puisque se cristallise en elle le basculement. Seul le père paraît en fait repêché dans cette triste histoire. Faible, certes, mais intègre. Il voit, lui, le changement qui s'opère en sa femme.

C'est l'hypocrisie de cette bourgeoisie de gauche qui est mise en lumière. L'altruisme n'est-il pas la plus belle forme d'égoïsme ? L'histoire, en effet, s'ancre dans un temps très bref, celui des vacances, de la parenthèse, d'un engagement très relatif.

Tragique, et recommencement.

L'histoire assez peu originale, les éventuels clichés, les bonnes intentions sont susceptibles de désintéresser. C'est alors la forme qui fera la différence. Le film a des allures de polar. Alliance romantique du grotesque et du sublime, les passages d'un genre à un autre sont inattendus. Plus importante encore est la beauté de la réalisation. Scène fascinante, symbolique, d'une baignoire se vidant, emportant le maquillage et les cauchemars de N ; jeu de références internes, flous, ellipses. Et jeu de miroirs, dès que possible. Le miroir comme reflet de la vie et de l'espèce humaine. 

Miroir, et ironie manifeste du titre. Des gens biens, vraiment ?

Difficile d'avoir un avis tranché sur ce film. Seule certitude : il est troublant.