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Des mots niak'
11 avril 2011

Never let me go.

Never let me go est avant tout un livre. Un livre dont le titre français a de quoi écoeurer, puis repousser : Auprès de moi toujours. Du Marc Levy auquel on aurait refusé les points de suspension. Et pourtant.

Pourtant, Kazuo Ishiguro est un auteur à surveiller. Un dangereux malfrat aux oeuvres nuisibles? surement pas ; un écrivain particulièrement digne d'intérêt ? de toute évidence. En témoigne l'adaptation de son roman au cinéma, autour de trois étoiles montantes anglaises : Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley.NLMG

Je ne retiens pas de mes anciennes lectures des détails précis -l'histoire et ses rebondissements- : je garde en mémoire une ambiance, un "ressenti". Et c'est au nom d'un souvenir de ce type, tenace et diffus, que Never let me go me semble réussi. 

Dès les premières images, on sent que quelque chose cloche, et ce sentiment ne cessera d'être amplifié, de faire écran à une vision trop naïve des faits, de tenailler. D'une certaine manière c'est angoissant, dérangeant. Sans aucune raison ? Pas vraiment. Never let me go fait partie de ce genre bien particulier qu'est la contre-utopie. Un monde parfait est présenté à nos yeux, une pure utopie, jusqu'à ce qu'affleurent les dérives d'un tel monde, et que notre perception change. Et si dans un premier temps l'aspect bucolique prévaut, des indices ne vont pas tarder à éclore, subtilement, progressivement. Derrière l'image rassurante d'un pensionnat idyllique réside une tout autre réalité.

Enfermement. Opposition matée. Non-dits. Edulcoration.

Les personnages principaux, enfants innocents, se révéleront être de vulgaires clones élevés en battage pour combler les manques médicaux d'une société humaine pervertie. Individualité niée : dans les esprits ils ne sont qu'assemblages d'organes vitaux. Rien d'autre.

A la différence du livre, le film annonce cette réalité trop tôt. Dommage.

NLMG_4L'histoire focalise sur la vie de trois personnages, trois amis maintenus dans leurs rêves et certitudes d'enfance. Chez eux, pas de rébellion, jamais, mais une résignation face au futur qui leur est destiné, un futur dépourvu d'avenir. Entrer en service pour mourir à petit feu. Et dans cette noirceur ambiante, l'amour. Une arme potentielle restée à l'état de mort-né(e), un sentiment déchirant qui, en définitive, n'a pour effet que d'insister sur l'horreur du tableau. Cette source habituelle de contestation dans la contre-utopie, de renversement de l'ordre établi, n'est ici d'aucune aide. Tristement beau, simplement. Amour brimé et fatalité.

Et les illusions originelles laissent définitivement place à une désillusion, partagée par le spectateur, un désepoir dont il ne peut se dépêtrer. Le récit s'achève d'une certaine manière sur ce constat.

C'est au tour de la réflexion de prendre le relais. Car on ne reste pas indifférent à cette poésie désespéréeNLMG_2, à un monde parallèle pas tant éloigné du nôtre. Le spectateur lambda est remué dans ses certitudes et convictions. L'art revêt toujours et encore une fonction reflexive, admonitoire : derrière la fiction demeure l'avertissement. L'idée d'un progrès foncièrement bénéfique, la persistance d'une foi aveuglée en la Science et ses bienfaits sont - par le biais de la littérature, d'une expérience fictionnelle - remises en question  

A bon entendeur, salut.

 

 


 

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