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Des mots niak'
25 février 2011

Faites (r)entrer l'accusé.

Exercice imposé : critique d'émission, "Henri-Jean Jacomet, massacre à huis-clos"

13 juillet 1988 : Fabienne Jacomet, 25 ans, est retrouvée morte à son domicile, décapitée. Macabre découverte. A ses côtés, le corps de sa soeur et du mari de celle-ci. Un suspect idéal ? Son propre mari bien sûr, Henri Jean. Lui, pourtant, ne cesse de clamer son innocence, n'en déplaise aux survivants du crime familial. Nul doute pour la gendarmerie locale : c'est Fernando Rodrigues, le beau-frère, qui est responsable d'un tel acte de barbarie. Le crime résulte d'une sévère dispute, et donne lieu au suicide de l'assassin, rongé par les remords - ou la peur des conséquences de son acte. S'ensuivent de nombreuses tractations judiciaires. Entre invraisemblance et acharnement, les deux suspects sont tour à tour pointés du doigt. Oui, l'enquête tourne en rond. Les deux hommes sont bien trop étranges pour être honnêtes. Le doute règne, l'affaire traîne en longueur. Seule détentrice de la vérité, c'est finalement la science qui offre une réponse quasi irréfutable. Retour au point de départ : c'est M. Rodrigues qui a commis le double crime, dans le cellier, avec une épée, des fusils et une hâche.

Il est frappant de constater que l'innocence de H-J Jacomet est imméditament livrée au spectateur. Il ne s'agit pas d'une fiction, et ce qui importe dans cette affaire, c'est l'évolution dans l'enquête, les moyens et les preuves qui conduisent au verdict. Au centre du reportage, l'idée qu'en dépit de certaines évidences, la justice est parfois confrontée à de sérieuses difficultés. Le point de vue se veut relativement neutre, sans jugement trop prononçé, et notamment à l'égard des gendarmes dont la conclusion peut paraître hâtive. Le reportage confronte les opinions sans les discréditer pour autant. Il fait preuve d'une certaine méfiance, d'un doute cartésien envers les évidences avancées par les deux partis. Paradoxalement, seule l'institution judiciaire en elle-même n'est pas épargnée. Dans un pays où le droit est dit subjectif, où l'audience débute par un résumé de la vie du présumé coupable, l'attitude distante de Jacomet pose manifestement problème. Aussi l'avocat général est-il accusé de ne pas avoir écouté les arguments de la défense, pourtant probants. La condamnation -si désir de blâme il y a- est en fait à trouver dans l'acharnement de la justice, de ses représentants et des proches des victimes.

On ne peut pas le nier, en dépit d'un scénario criminel obscur, le reportage est clair. Les témoins sont variés, du médecin légiste au journaliste, en passant par le gendarme et l'avocate. Le spectateur a toutes les clés en main pour comprendre l'affaire dans toute sa complexité. Plus regrettable est le besoin épidermique de s'infiltrer dans la brèche du sensationnel. Musique à la Ennio Morricone, plans rapprochés et noirceur ambiante : tout est fait pour effrayer le spectateur en mal d'aventure, le plonger dans un palpitant qui lui échappe. Ajoutons à cela une diction qui se veut à le fois didactique et génératrice de tension, on est bien dans le polar. Car les personnages les plus intéressants sont ceux de la vie réelle, et les médias assoiffés d'audimat le savent bien. Dommage que cet aspect-là éclipse un autre traitement des choses, juridique et scientifique -documentaire- bien plus édifiant. A trop vouloir s'éloigner de l'informatif, le reportage risque de perdre l'adhésion du spectateur. D'autant plus qu'il ne répond pas plus à l'horizon d'attente des avides de romanesque : le motif du crime reste sans réponse. Quant à la démarche, elle semble relever d'un trop-plein de curiosité maladive, intrusive et déplacée. C'en est parfois dérangeant. Malsain.

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